La Miséricorde, un pont entre les religions
La Miséricorde est la clé pour accéder au mystère même de l’homme, qui a aujourd’hui encore tellement besoin de pardon et de paix.
Toutefois, le mystère de la miséricorde ne doit pas être célébré uniquement par les paroles, mais surtout par les œuvres, à travers un style de vie réellement miséricordieux, fait d’amour désintéressé, de service fraternel, de partage sincère. (…) C’est le style auquel sont appelées également les religions pour être, en particulier à notre époque, des messagères de paix et des artisans de communion pour proclamer, à la différence de ceux qui alimentent les conflits, les divisions et les fermetures, qu’aujourd’hui est le temps de la fraternité. C’est pourquoi il est important de rechercher la rencontre entre nous, une rencontre qui, sans syncrétismes conciliants « nous rende plus ouverts au dialogue pour mieux nous connaître et nous comprendre. Qu’elle chasse toute forme de fermeture et de mépris. Qu’elle repousse toute forme de violence et de discrimination » (Le Visage de la Miséricorde, n. 23). Cela plaît à Dieu et c’est une tâche urgente, en réponse non seulement aux nécessités d’aujourd’hui, mais surtout à l’appel à l’amour, âme de toute expression religieuse authentique.
Le thème de la miséricorde est familier à de nombreuses traditions religieuses et culturelles, où la compassion et la non-violence sont essentielles et indiquent la voie de la vie : « Le rigide et le dur appartiennent à la mort ; le mou et le tendre appartiennent à la vie », affirme un ancien proverbe de sagesse (Tao-Te-Ching, 76). Se pencher avec une tendresse pleine de compassion sur l’humanité faible et démunie appartient à une âme véritablement religieuse, qui repousse la tentation de dominer par la force, qui refuse de faire de la vie humaine une marchandise et voit dans les autres des frères, jamais des numéros.
Se faire proches de ceux qui vivent des situations qui exigent une plus grande attention, comme la maladie, le handicap, la pauvreté, l’injustice, les conséquences des conflits et des migrations, est un appel qui vient du cœur de toute tradition authentiquement religieuse. C’est l’écho de la voix divine qui parle à la conscience de chacun, en invitant à surmonter le repli sur soi et à s’ouvrir : s’ouvrir à l’Autre au-dessus de nous, qui frappe à la porte du cœur ; s’ouvrir à l’autre à côté de nous, qui frappe à la porte de notre maison, demandant de l’attention et de l’aide.
La signification du terme « miséricorde » nous appelle à avoir un cœur ouvert et plein de compassion. Dans son étymologie en langue latine, il évoque un cœur sensible aux misères et surtout au miséreux, un cœur qui vainc l’indifférence parce qu’il se laisse toucher par la souffrance d’autrui. Dans les langues sémitiques, comme l’arabe et l’hébreu, la racine r(a)h(a)m, qui exprime aussi la miséricorde divine, rappelle le sein maternel, les entrailles des liens d’affection les plus intimes de l’être humain, les sentiments de la mère pour son enfant auquel elle est sur le point de donner le jour.
Dieu ne laisse pas l’homme en proie au mal ou à lui-même ; il n’oublie pas mais il se souvient, et se penche sur toutes les misères pour soulager. Exactement comme le fait une mère qui, devant le pire des maux commis par son fils, reconnaît toujours, au-delà du péché, le visage qu’elle a porté dans son sein.
Dans un monde agité et ayant peu de mémoire, qui est toujours pressé et laisse derrière lui de nombreuses personnes sans se rendre compte qu’il est essoufflé et sans but, nous avons aujourd’hui besoin, comme de l’oxygène, de cet amour gratuit qui renouvelle la vie. L’homme a soif de miséricorde et il n’y a pas de technologie qui puisse le désaltérer : il cherche une affection qui aille au-delà des consolations temporaires, un port sûr où puisse aborder son navire agité, une étreinte infinie qui pardonne et réconcilie.
Le pardon est certainement le plus grand don que nous puissions faire aux autres, parce que c’est celui qui coûte le plus, mais en même temps, celui qui nous rend le plus semblables à Dieu.
(…)
Que soient favorisées, partout, la rencontre pacifique entre les croyants et une réelle liberté religieuse. En cela, notre responsabilité devant Dieu, l’humanité et l’avenir est grande et exige tous nos efforts, sincèrement. C’est un appel qui nous concerne, un chemin à parcourir ensemble pour le bien de tous, avec espérance. Que les religions soient des seins de vie, qui portent la tendresse miséricordieuse de Dieu à l’humanité blessée et dans le besoin ; qu’elles soient des portes d’espérance qui aident à franchir les murs érigés par l’orgueil et par la peur.
Extrait du message du Pape François, Audience interreligieuse du 3 11 2016